Peuple

Histoire

Origine

Le peuple Havu étant bantou proviendrait probablement de la vague migratoire du XVIIe S venue du nord-est africain, vague mise en mouvement par les hamites cwezi, eux-mêmes refoulés vers le sud par les Bitu[1].

Bashizi cité par Muhigirwa attribue comme cause de ces migrations, les conquêtes musulmanes aux XVIe et XVIIe S depuis les environs de l’Ethiopie et l’Uganda où vivaient les Havu[2].

Ces migrations comprenaient surtout les Yira, les Hunde, les Nyanga, les Havu, les Shi et les Fuliro, mais également les Hutu du Rwanda et du Burundi. Même les traditions donnent une origine commune aux familles régnantes des Shi, des Havu, des Fuliru et des Rwandais en personne de l’ancêtre Na Lwindi.[3].

  • De la rivière Ulindi à la littorale du Lac-Kivu.

Langue 

C’est une langue bantoue, dite de l’est. On distingue 2 groupes du Congo : le Yira et le Hunde-Shi. La langue havu parlée par les Bahavu est alors du groupe Shi.[4] Elle est de la famille Niger-Congo, Bénoué-Congo. Elle est parlée par le groupe inter-lacustre et porte l’indice D52 dans la classification de Guthrie et J52 dans celle de Meeussen.[5]

Economie

L’économie chez les Bahavu est constituée de l’élevage du gros et petit bétail (vaches, chèvres, moutons, porcs, cobayes, lapins, pintades, dindons, poules, canards) qui leur procure de la viande, les peaux et le lait. Ils mettent les abeilles en ruche.

Leur alimentation est à base de l’agriculture. Ils produisent l’éleusine, le sorgho, les haricots, la banane (servant aussi à la fabrication de la bière locale connue aussi sous le nom de Kasigsi). Leurs plantes alimentaires de 2e rang sont : les patates douces, les colocases, les ignames, les courges, les tournesols, les arachides, les haricots, les petits pois, les pommes de terre, les sojas, les maïs, le paddy, les légumes, la canne à sucre, les ananas et le manioc. La banane est la culture qui occupe 70% de la superficie cultivable au Buhavu[6]. Cependant, elle est attaquée par la maladie (xanthomonas wilt) dans certains coins. La culture industrielle du quinquina, du caféier et du théier y est aussi pratiquée.

La pêche est pratiquée chez les Bahavu sur le lac Kivu soit pendant la nuit ou pendant la journée. Elle est traditionnelle et artisanale (elle produit les poissons, les fretins et les sambaza)[7].

Les milieux éloignés du lac creusent des étangs piscicoles. Ce sont les hommes qui s’en chargent, de même que pour la pêche.[8] Ils tiennent aussi les bétails, la forge, la boisselée, la poterie, la tannerie, la coupure de peaux de vaches, la vannerie, la médecine traditionnelle (guérisseur) et la divination. Les mêmes hommes construisent les habitations et les grainiers à provisions. Les femmes font la cuisine, récoltent le bois de chauffage et entretiennent l’habitation. Les travaux de champs sont repartis équitablement entre hommes et femmes, mais il arrive que la femme cultive davantage. Les hommes débroussent et abattent les arbres[9]. C’est pour dire qu’hormis le semis, toute autre activité champêtre peut être faite par la femme comme par l’homme.

Dans la répartition du travail ou des responsabilités ne suit aucune règle.

Les travaux communautaires sont organisés en groupes issus de différentes familles ou différents villages pour être efficace et constituer une sorte de coopérative agricole.

Notons aussi que le sous-sol de la région de Buhavu est caractérisé par quelques carrières d’exploitation artisanale d’or, de cassitérite et de coltan (à Idjwi, dans le groupement de Bunyakiri, à Numbi, à Nyabibwe et à Lumbishi dans le territoire de Kalehe).

Avant l’existence des grands marchés, au Buhavu existait un système de troc. On pouvait facilement échanger diverses marchandises contre la nourriture ou autre bien.

Au Buhavu existent actuellement des marchés et boutiques pour des transactions du petit commerce (divers et vivres).

Les institutions financières (bancaires et non) y sont presque absentes. On note seulement la présence des coopératives d’épargne et de crédit (institution non bancaire) dans les grandes agglomérations.

Structure politique

Au début du XVIIe siècle, ils avaient une organisation politique du type d’un Etat fortement centralisé sous le règne d’un chef suprême de tous les clans.[10] Cet Etat pouvait se subdiviser continuellement en Etats plus petits avec une hiérarchie similaire à l’Etat-mère et un gouvernement centralisé, un protocole royal élaboré, une famille dynamique, des conseillers, des nobles, des dignitaires exerçant une charge héréditaire, etc. Ceci au fur et à mesure qu’il y a croissance démographique. Le chef suprême qui les dirige est appelé Mwami. Il est issu d’un clan dynastique qui est souvent apparenté à d’autres clans dynastiques voisins[11]. Il est fils du chef suprême défunt et d’une femme qui, le jour de l’intronisation, fut donnée à son père, par des conseillers traditionnellement chargés de ce soin, ou par l’intermédiaire d’un divinateur également bien déterminé. Il peut ne pas être le fils aîné. Il vient au monde en serrant dans ses mains quelques graines de sorgho, d’éleusine, de haricots (parfois du lait caillé). Rukema, en sa qualité de mujinji (descendant du roi et sage de la cour royal) confirme ce phénomène comme étant exact et non un mythe.[12]

L’épouse importante du chef est celle rituelle et porte le titre de Nyangoma ou de Mumbo. Elle était biologiquement ou socialement parente proche de son mari; sœur consanguine ou nièce (fille de Shamwami). Parfois elle n’est pas une parente réelle. Seule la Mumbo engendre le successeur chez les Havu.[13]

Les notables et les conseillers prennent part directement au gouvernement central de la royauté. Les conseillers exercent le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire. Ils sont souvent des familles proches de celle du chef suprême. Celui-ci est aussi entouré de son frère aîné (shamwami) et de son oncle (le mulezi). Ce dernier exerce l’autorité presque égale à celle du chef.  

Le village est dirigé par le Murhambo (capita du village).

 


[1] VANSINA, Introduction à l’ethnographie du Congo (Kinshasa : PUC, 1965), 202.

[2] MUHIGIRWA Ntagalanda, « La pénétration et l’expansion du christianisme chez les Bahavu de 1910 à 1990 », 5.

[3] VANSINA, Introduction à l’ethnographie du Congo, 202-204.

[4] Idem, 204.

[5] BALEGAMIRE Bazilashe, Langue et cultures en Afrique : Cas des Bahavu du Zaïre. (Bruxelles : NORAF, 1991), 23.

[6] Valérien KAFIRA (Sous Dir), Monographie de la province du Sud-Kivu, 70.

[7] Ibidem, 41.

[8] VANSINA, Introduction à l’ethnographie du Congo, 205.

[9] Ibidem

[10] VANSINA, Introduction à l’ethnographie du Congo, 206.

[11] Ibidem, 207.

[12] Interview téléphonique avec RUKEMA, le 25 Août 2012, de Tchofi

[13] Ibidem, 209.

Culture

La culture explicite (overt) comprend tous les éléments matériels et concrets de la vie d'un peuple : sa religion, sa nourriture, son habitat, ses vêtements, ses armes, sa langue, ses danses, ses rites, ses réalisations artistiques, ses coutumes funéraires, etc. Nous allons détailler certains de ces éléments. 

Religion

La religion havu est à tendance syncrétiste suite à la superposition de cultes d’origines diverses. Les Havu croient à un être suprême, Lulema qui a tout créé, puis a confié la direction aux esprits, bazimu. D’autres noms comme Nyamuzinda (l’Oméga après qui, plus personne), Nnamahanga (Maître du pays ou de l’univers) et Mungu (emprunt au swahili) sont utilisés. Ces noms ne se mettent jamais au pluriel, pour dire que le Muhavu a l’idée du monothéisme (un seul Dieu)[1]. Les esprits des ancêtres jouent l’intermédiaire entre l’homme et ce Dieu qui est éloigné. On l’honore dans les petites huttes en lui offrant des sacrifices d’animaux (non d’hommes) et la bière de bananes. Les principaux cultes s’adressent :

  • Aux mânes des défunts qui vont au souterrain ou aux volcans pour les plus audacieux.

  • Aux mânes des chefs suprêmes ;

  • Aux mânes des héros dont le plus connu est Lyangombe.[2] Chaque famille honore ses propres mânes.

D’autres esprits chez les Bahavu sont : Muhima, Maheshe, Cilala, Kangera, Wangangu, Mpalala, …

Le culte est célébré en communauté à l’occasion d’événement malheureux ou de bonheur tels que : la mort, la naissance, le mariage, le sacrifice, … La présence de toute la famille ou la communauté à ce culte est recommandée pour témoigner la solidarité africaine comme l’ayant constaté Mulago cité par Muhigirwa.[3]

Le Muhavu croie à la vie après la mort. C’est pour cela qu’il accompagne le défunt des certaines paroles (partez bien, nous t’aimions, nous sommes aussi en route, …) en langue maternelle pour montrer qu’il était en bonne relation avec lui et pour éviter le mauvais sort que celui-ci peut proférer à son égard.

Depuis l’arrivée du Christianisme, on constate la croissance des églises catholiques, protestantes, de réveil, le Kimbanguisme et l’Islam se répandent petit à petit au Buhavu mais la foi reste superficielle.

Vie artistique

L’art plastique n’existe presque pas au Buhavu (on pouvait voir quelques sculptures en bois).

Chez un groupe havu il existe de petites calebasses qui sont décorées de motifs géométriques pyrogravés pour boire de la bière de banane. Une esthétique de formes ou de couleurs pour les vêtements en peau de vache.[4] La poterie est bien développée au Buhavu ainsi que la vannerie, tissage et forge.

La littérature est épique. On trouve des textes épiques pour commémorer les hauts faits des armées et pour louer les chefs suprêmes et les chefs de régions. Certains de ces textes sont composés par les musiciens poètes ou griots qui scandent des détails sur ces thèmes, en s’accompagnant d’un instrument à huit cordes pincées, l’enanga ou lunanga. D’autres instruments typiques sont le nzenze (à deux cordes), Omulizi (flûte de berger à 2 ou 3 trous), akasayu (likembe pouvant se présenter en plusieurs formes), engoma (tambours), omushekera (trompette royale ou corne d’appel), egihobe (tige en bois dont les deux bouts ont été liés par une corde forte et auquel on attache une calebasse coupée), omujegerezo (petite calebasse dans laquelle on enferme des petites graines à secouer quand on danse), … Les chants et les danse s’observent à chaque événement de la vie. La danse est en masse ondulante et serrée.[5] Ces chants et danses agrémentent les cérémonies de naissance, de deuil, de mort, de réconciliation, d’alliance, …

Les activités récréatives sont moins nombreuses (jeux de cache-cache, danses sous la lune, jeux de sombi (soro), balançoire (gashumbeera), kavunamugoongo (l’un porte l’autre de manière que les dos se croisent et vice-versa), ... Seulement quelques terrains publics pour le sport. Les écoles des missionnaires en disposent mais mal entretenus.

Quelques stations radios existent dont : la Radio Bubandana à Minova, Radio Buzi-Bulenga à Bulenga, Radio Kalehe à Kalehe, Radio Edjwi lino à Idjwi, …

 


[1] MUHIGIRWA Ntagalanda, « La pénétration et l’expansion du christianisme chez les Bahavu de 1910 à 1990 », 8-9.

[2] VANSINA, Introduction à l’ethnographie du Congo, 209.

[3] MUHIGIRWA Ntagalanda, « La pénétration et l’expansion du christianisme chez les Bahavu de 1910 à 1990 », 15.

[4] VANSINA, Introduction à l’ethnographie du Congo, 210.

[5] Ibidem.                                                

 

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